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Le musée d’Orsay est un musée national du ministère de la Culture, de même que le musée de l’Orangerie et le musée Hébert. Ces trois musées sont gérés par l’Etablissement public du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie.
L’histoire du musée, de son bâtiment, est peu banale. Situé au cœur de Paris, le long de la Seine, face au jardin des Tuileries, il a pris place dans l’ancienne gare d’Orsay, un édifice construit pour l’Exposition universelle de 1900.
Le musée d’Orsay est un musée national ouvert au public le 9 décembre 1986 pour montrer, dans toute sa diversité, la création artistique du monde occidental de 1848 à 1914. Il a été constitué de collections nationales provenant essentiellement de trois établissements :
- Le musée du Louvre pour les œuvres d’artistes nés à partir de 1820, ou émergeant dans le monde de l’art avec la Seconde République ;
- Le musée du Jeu de Paume consacré depuis 1947 à l’impressionnisme ;
- Enfin le musée national d’Art moderne qui, lorsqu’il s’est installé en 1976 au Centre Georges Pompidou, n’a conservé que les œuvres d’artistes nés après 1870.
La rénovation du musée : Le Nouvel Orsay
Le musée d'Orsay a entrepris, à la fin de l’année 2009, la rénovation muséographique de ses salles impressionnistes et post-impressionnistes situées au dernier étage, ainsi que des quatre étages du "Pavillon Amont" qui y donne accès. Mieux mettre en valeur les œuvres, accroître les surfaces d'exposition et le confort des visiteurs, assurer une meilleure fluidité de la circulation et une meilleure sécurité, tels étaient les principaux objectifs des travaux qui se sont échelonnés sur deux ans, de 2010 à 2011. L'éclairage et les couleurs des cimaises étaient au cœur des changements esthétiques et muséographiques du musée.
Un nouveau circuit de visite
Le circuit de visite a désormais une nouvelle cohérence : l'impressionnisme (Manet, Degas, Monet, Cézanne, Renoir, Sisley...) au 5e étage dans la Galerie des Impressionnistes rénovée sous la verrière, le post-impressionnisme (Van Gogh, Gauguin, l'école de Pont-Aven, Cross, Seurat, le douanier Rousseau) au niveau médian Lille dans des salles également réaménagées, les grands décors nabis et les écoles étrangères d'arts décoratifs dans le Pavillon Amont. L’ancienne Galerie des colonnes a été entièrement rénovée pour accueillir deux expositions temporaires par an.
En 2013, le musée d’Orsay a inauguré six nouvelles salles, disposées de chaque côté de la Nef. Les salles Luxembourg, référence au Musée des artistes vivants, installé pendant plus d'un siècle au palais du Luxembourg à Paris, accueille désormais les artistes français tels Alexandre Cabanel, William Bouguereau, Honoré Daumier.
En 2016, le musée d’Orsay s’est associé au musée des Beaux-Arts de Nancy, au musée d’art Roger-Quilliot de Clermont-Ferrand et au musée des Beaux-Arts de Quimper pour concevoir une exploration de ses collections, de la seconde moitié du XIXe siècle au début du XXe siècle, autour du thème original de l’autoportrait en peinture.
Pour en savoir plus :
Film Orsay
De Bruno Ulmer, 2011
Production Ladybirds Films, Musée d'Orsay, ARTE France
Durée : 1h24
Projection en continu dans l’exposition
L. Bonnat, J. Meissonnier
G. Courbet, A-F Cals
J. Bastien-Lepage, J-L Forain
V. Van Gogh, C. Pissarro, P. Cézanne, C. Monet
E. Carrière, O. Redon
P. Gauguin, Bernard, Sérusier, Monfried
P. Bonnard, M. Denis, F. Valloton
C-H Dufau, A. Axilette, H. Martin
E. Bernard, C. Cottet
L'autoportrait émerge aux XVe et XVIe siècles, en lien avec le développement du portrait : à la Renaissance, la possibilité de portraiturer les individus s'étend au-delà du cercle restreint des souverains et autres hommes de pouvoir. À cette époque, l'artiste acquiert aussi un statut nouveau, différent de celui d'artisan auquel il était jusque-là assimilé. Donner une image de lui-même est donc un moyen de s'affirmer comme une personnalité propre, auteur d'une création. Les plus illustres de ces premiers autoportraits sont ceux du peintre, dessinateur et graveur allemand Albrecht Dürer. Certains artistes ont pratiqué l'autoportrait de manière marginale, comme Nicolas Poussin, grand peintre français, qui en réalise deux à la fin de sa vie. D'autres se sont représentés régulièrement, tout au long de leur carrière. Rembrandt en est l'exemple le plus célèbre : il constitue une référence majeure pour tout peintre désireux de se représenter, comme en témoignent, dans l’exposition, les autoportraits de Marcellin Desboutin ou d'Odilon Redon.
L'autoportrait peut être considéré sous différents angles.
Dans certains tableaux, les artistes scrutent leur visage ou leur corps, ils en apprécient la jeunesse ou examinent les signes du temps qui passe. Ainsi Jean-Baptiste Carpeaux, Eugène Carrière et Charles Laval se confrontent à la maladie qui les conduit vers la mort.
Les peintres savent également que leur autoportrait va être regardé, commenté. Ils peuvent donc s'en servir pour montrer leur talent, leur conception de la peinture ou pour jouer un rôle. C'est le cas de Gustave Courbet qui crée les autoportraits les plus théâtraux du XIXe siècle, tandis que Paul Cézanne se distingue au contraire par un refus de la mise en scène.
Ils utilisent aussi l'autoportrait pour affirmer leur tempérament, se situer par rapport à la tradition ou s'en distinguer. Des références aux grands artistes du passé s’expriment chez Edgar Degas ou Alfred Dehodencq. À l'inverse, Claude Monet et Paul Gauguin revendiquent une démarche artistique propre à travers leurs autoportraits. Parfois, c'est la représentation de l'atelier du peintre qui porte cette revendication, apparaissant alors comme un autoportrait en creux.
L'autoportrait, en particulier féminin, peut revêtir une dimension sociale. Dans une sphère artistique et une société sous domination masculine, il offre un espace d'affirmation de soi comme artiste et / ou comme femme, à l'égal des hommes. Clémentine-Hélène Dufau en offre un exemple intéressant, témoignant du statut encore ambigu des femmes artistes dans les années 1910.
L'autoportrait est enfin le lieu privilégié de l'introspection, du regard à l'intérieur de soi, d'autant plus que le XIXe siècle est l'époque du développement de l'individualisme et de la psychologie. Vincent Van Gogh en est l'archétype. Il se livre, à travers les représentations successives de lui-même, à un véritable récit autobiographique. Une plus grande subjectivité se fait jour, questionnant l’ambiguïté ente le « je » de l’artiste se livrant à l’exercice de l’autoportrait et sa personnalité propre.
Léon BONNAT (1833-1922)
Portrait de l’artiste, 1855
Huile sur toile marouflée
Paris, musée d'Orsay
Dans l’autoportrait de 1855, Léon Bonnat, alors élève à l’École des beaux-arts, est âgé de 22 ans. Il se représente comme un peintre romantique : attitude mélancolique (le visage appuyé sur le menton), regard empreint d'absolu, fixant le spectateur avec détermination. Il se réfère notamment à un autoportrait de jeunesse de Gustave Courbet, L'Homme à la ceinture de cuir. Le choix d'un arrière-plan paysager est rare à cette époque. Ces montagnes enneigées pourraient représenter les Pyrénées de la région natale de Bonnat, ou bien les Alpes, évoquant le voyage en Italie qu'il rêvait sans doute de faire. Ce voyage constituait une étape majeure dans la formation académique des artistes. Ils y accédaient après une réussite au difficile concours de l'École des beaux-arts appelé « prix de Rome ». Léon Bonnat obtint d’ailleurs le second prix de Rome en 1857, puis séjourna trois ans en Italie.
Léon BONNAT (1833-1922)
Portrait de l’artiste, 1916
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
Après 1877, Bonnat devient l'un des maîtres du portrait académique de la IIIe République. Dans l’autoportrait de 1916, il est donc au sommet de sa brillante carrière. Artiste reconnu, il fut nommé membre de l'Institut en 1881, professeur en 1888 puis directeur en 1905 de l’École des beaux-arts, ainsi que président du Conseil supérieur des musées. Cet autoportrait acheté par l’État à l’artiste témoigne de cette réussite officielle.
Bonnat s’émancipe toutefois de sa précédente facture plus lisse et académique pour adopter une touche vibrante qui anime le tableau, dont la composition reste très sobre.
Bonnat a exécuté dix autoportraits peints, comptant parmi les artistes les plus prolifiques de son siècle dans ce genre. Il en envoya deux, de son propre chef, au musée des Offices de Florence, pour qu'ils figurent dans le célèbre corridor de Vasari où sont réunis des autoportraits d'artistes depuis le XVIIe siècle.
Ernest MEISSONIER (1815-1891)
Portrait de l’artiste, 1889
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
Ernest Meissonier est l’un des plus importants peintres académiques du XIXe siècle, « le plus grand que la France ait connu depuis un siècle » pour reprendre l’expression de Léon Bourgeois, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts en 1891.
Ses autoportraits sont assez nombreux et ceux des années 1880 sont des plus théâtraux. Dans cette œuvre de 1889, l’artiste se représente tel un philosophe, assis sur un siège curule, symbole de pouvoir depuis l’Antiquité romaine. Vêtu d’une robe de doge vénitien, le regard sombre et songeur, portant une longue barbe à deux pointes qui évoque le Moïse sculpté par Michel-Ange sur le tombeau du pape Jules II à Rome, Meissonier se met en scène dans l’attitude de la mélancolie, la tête appuyée sur la main. Il ne représente ni palette ni chevalet ni pinceau ; les attributs du peintre laissent place à la figure d’un vieillard sombre et songeur. C’est l’image d’un sage que souhaite léguer ce peintre âgé dans un ultime face-à -face avec lui-même. Ecoutons la description de Meissonier par Léonce Bénédite huit ans avant l’exécution de cette toile : « Assez petit de taille mais vigoureux, solidement bâti, d’une force qu’il entretenait par tous les exercices physiques, équitation, natation, escrime, canotage, la tête énergique et volontaire, avec de grands yeux noirs, noyés à demi sous les plis de sa paupière supérieure, les narines ouvertes, les cheveux bruns rebelles, la barbe d’abord courte, qu’il laissa plus tard se développer en larges volutes comme celles du Moïse de Michel-Ange, Meissonier avait naturellement de l’allure ».
Gustave COURBET (1819-1877)
L’homme blessé, vers 1844-1854
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
Dans sa jeunesse, entre 1842 et 1855, Courbet a réalisé de nombreux autoportraits, une vingtaine peints ou dessinés, dans lesquels il se met en scène avec emphase et fige sa propre image publique. Il expose L’Homme blessé dans le Pavillon du Réalisme, qu’il fait construire en marge de l’Exposition universelle de Paris en 1855 pour présenter ses gigantesques toiles, Un Enterrement à Ornans et L’Atelier. L’ex-compagne du peintre et mère de son fils, Virginie Binet, était initialement représentée sur ce tableau, enlacée auprès de Courbet, tous les deux endormis au pied d’un arbre. Mais après leur séparation, lorsque Courbet apprit le mariage de celle-ci avec un autre homme, il supprima sa compagne du tableau dix ans après et se représenta blessé au cœur, tel un martyr de la passion amoureuse. Cette plaie évoque peut-être aussi la condition de cet artiste, chef de file du mouvement réaliste, victime de la critique et de l’incompréhension du public. Très attaché à ce tableau, Courbet le conserva auprès de lui jusqu’à sa mort en 1877, dans son exil en Suisse, après avoir été condamné à une peine de prison pour sa complicité présumée dans la démolition de la colonne Vendôme.
Adolphe-Félix CALS (1810-1880)
Portrait de l’artiste, 1861
Huile sur toile
Paris, musée d’Orsay
« Injustement oublié », tel est le qualificatif qui revient le plus souvent à propos d’Adolphe-Félix Cals. Cet élève de Léon Cogniet s’adonne, malgré les injonctions de son maître, à la peinture de paysages et de portraits et devient le peintre des humbles, comme en résonance à son enfance placée sous le signe de la misère.
Le nom de Cals est aujourd’hui associé à ses paysages normands où vibre une touche impressionniste. Néanmoins, tout au long de sa carrière, il a exécuté plusieurs études de ses traits, sans doute liées à sa redécouverte de Chardin.
Dans cet autoportrait de 1851, peint de trois quarts, l’artiste barbu jette un regard insistant au spectateur. Il s’attache à modeler le clair-obscur et distille une belle lumière sur ses yeux, renforçant le caractère introspectif de son regard. Il estompe l’arrière-plan pour adoucir ses traits, usant de tons discrets et lumineux. Il donne l’image d’un Cals intimiste, dans la force de l’âge mais encore confronté aux affres d’une vie de bohème. La rencontre avec le comte Doria qui devient son mécène quelques années plus tard, lui permettra de mener une vie plus aisée, toutefois entachée par la maladie mentale qui touche sa femme et sa fille.
Jules BASTIEN-LEPAGE (1848-1884)
Portrait de l’artiste, vers 1880
Huile sur toile
Paris, musée d’Orsay
Originaire de Lorraine, Jules Bastien-Lepage est l’un des artistes les plus représentatifs du naturalisme, mouvement dans lequel il s’illustra en peignant de nombreuses scènes de la vie rurale. Cet autoportrait, quoique réalisé quatre ans avant la mort prématurée de l’artiste, est l’un de ses premiers, comme s’il avait longtemps hésité à se prendre pour modèle. Il utilise l’artifice du miroir, ce dont témoignent la précision de ses traits, ainsi que la déformation de sa main et de la palette. Il semble plus se contempler que regarder le spectateur et fait ainsi de cette œuvre son autoportrait le plus intime.
La gamme chromatique sombre et chaude concentre l’attention sur son visage tandis que les lèvres serrées et le regard franc expriment la détermination de l’artiste.
On connaît deux autres autoportraits de Bastien-Lepage, l’un conservé dans une collection particulière anglaise, l’autre à ce jour non localisé. Celui du musée d’Orsay présenté ici est donc l’un des rares et des plus profonds du chantre du naturalisme. Il fut d’ailleurs donné à l’Etat par le frère de l’artiste, sous réserve d’usufruit, en 1926.
Jean-Louis FORAIN (1852-1931)
Portrait de l’artiste, 1906
Huile sur toile
Paris, musée d’Orsay
« Je ne suis d’aucune école. Je travaille dans mon coin. J’admire Degas et Forain », voilà ce que déclare Toulouse-Lautrec en 1891, ce qui en dit long sur l’importance de Jean-Louis Forain dans l’avant-garde artistique de la fin du XIXe siècle.
Sous l’égide de Degas, Forain participe aux expositions dites des « indépendants » qui, dans une direction divergente du paysage atmosphérique des impressionnistes, font davantage de place à un naturalisme proche de la réalité sociale. Forain expose donc scènes de café, de maisons closes, de guinguette et de théâtre. L’influence de Daumier (Forain a été élève d’André Gill) le pousse vers un humour qui n’est pas aussi présent dans les quêtes formelles de Degas.
Dans cet autoportrait de 1906 où règnent une touche expressive et une harmonie de tonalités grises, il évite toute complaisance, comme dans la plupart de ses œuvres où la satire est plus ou moins assumée. Ce qui surprend, c’est le choix, peu courant en matière d’autoportrait, d’une pose en extérieur, devant un paysage à peine esquissé. Forain, avec ce grand chapeau, semble plus se mettre en scène que se livrer à un exercice introspectif.
Vincent VAN GOGH (1853–1890)
Portrait de l'artiste, 1887
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
L’autoportrait est très présent dans l’œuvre de Van Gogh. Il en a peint une quarantaine, dont vingt pendant ses deux années parisiennes de 1886 à 1888. Il découvre dans la capitale les œuvres de Monet et Pissarro exposées par son frère Théo, ainsi que celles de Seurat qui lui révèlent la force expressive de la couleur. Voici ce qu’il exprime face à cette découverte : « A Anvers, je ne savais même pas ce que c’était que les Impressionnistes, maintenant je les ai vus, et bien que ne faisant pas encore partie de leur club, j’ai beaucoup admiré certains de leurs tableaux ».
Dans cet autoportrait, il se représente « comme un soleil brillant dans un ciel bleu nuit ». Son visage au regard vif rayonne dans cet enchevêtrement de touches jaunes sur un fond bleu qui annonce les ciels d’Auvers-sur-Oise. Les teintes sont complémentaires et les touches se répondent, Van Gogh reprenant le principe du pointillisme de Seurat même s’il juge que cela ne peut constituer un « dogme universel ».
Cette toile fut qualifiée d’ « autoportrait sauvage » en raison notamment des coups de pinceau brusques. A cet aspect novateur, sont associés une composition classique, la pose de trois quarts, traditionnelle depuis la Renaissance et un certain réalisme dans la représentation des traits. Emile Bernard décrit un Van Gogh très ressemblant : « Roux de poil (…), le regard d’aigle et la bouche incisive comme pour parler ».
Camille PISSARRO (1830-1903)
Portrait de l’artiste, 1873
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
Né dans les Antilles danoises, d'un père français d'origine portugaise, Camille Pissarro suit des études à Passy, avant de retourner sur l'île Saint-Thomas pour travailler dans le commerce familial. Il séjourne ensuite au Venezuela avant de s'installer définitivement à Paris en 1855. Il y mène une carrière en marge des milieux officiels, vivant parfois dans la misère.
Avant la fin de sa vie, Pissarro ne se livre que très peu dans des autoportraits et celui de 1873 présenté dans l’exposition, semble placé sous le sceau de la sincérité, avec une distance lucide appliquée à sa propre image.
On en retient la bonhomie du visage et sa longue barbe alors que l’arrière-plan qui pourrait être un décor d’atelier reste indéterminé et en rien traité comme un hommage.
Ce tableau est indissociable des autoportraits qu’exécute Cézanne dans les années 1870 à Aix-en-Provence et témoigne de la proximité qui lie les deux artistes.
Aujourd’hui, Pissarro est moins connu que d’autres figures majeures de la peinture de l’époque. Pourtant Degas, Cézanne ou encore Gauguin lui sont sans aucun doute redevables.
Paul CÉZANNE (1839–1906)
Portrait de l'artiste au fond rose, vers 1875
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
Environ vingt-cinq autoportraits de Cézanne nous sont parvenus, témoignant d’une pratique régulière de l’artiste sur près de cinquante ans. Dans tous ses autoportraits, il refuse toute mise en scène ou toute célébration de son statut d’artiste. Il choisit souvent, comme ici, un papier peint trivial en guise d’arrière-plan, dont les motifs structurent la composition. Toute la personnalité du peintre apparait dans cette barbe fleurie, peu entretenue, qui dissimule les lèvres comme pour signifier la difficulté que Cézanne a pour communiquer. L’artiste manque en effet d’assurance mais s’assume finalement comme modèle.
La matière encore très riche, notamment sur le visage, rappelle la première manière de peindre de Cézanne, qu'il qualifiait de « couillarde » pour désigner sa peinture grasse et généreuse, travaillée en pâte avec un couteau. Les touches sont encore très riches, délimitant des ombres abruptes qui accentuent la rugosité du visage. Les touches rangées en oblique, appropriation très personnelle par Cézanne du fractionnement de la touche impressionniste, structurent l’espace.
Les œuvres présentées par Cézanne aux expositions impressionnistes de 1874 et 1877 furent mal reçues par le public. Meurtri, Cézanne n'y participa plus. Après 1877, il se consacra à ses propres recherches qui l'ont conduit à être considéré comme le précurseur de la peinture moderne du XXe siècle. Sa célèbre maxime « traiter la nature par le cylindre, la sphère, le cône » rend bien compte de la prémonition du cubisme dans ses dernières compositions.
Claude MONET (1840-1926)
Portrait de l’artiste, 1917
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
Monet est le plus célèbre des impressionnistes, auteur du tableau Impression, soleil levant en 1872, qui donna son nom au mouvement. Il a réalisé peu d'autoportraits, mais en aurait peint trois à l’époque où il s’apprêtait à travailler à ses Grandes décorations de nymphéas pendant la Première Guerre mondiale. Il en aurait détruit deux et donné le troisième, ici présenté, à son ami l'homme politique Georges Clemenceau, qui l'offrit plus tard au Louvre.
Âgé de soixante-dix-sept ans, le peintre apparaît serein et joyeux, vivant alors une période de gloire encore non ternie par la perte progressive de sa vue, qui assombrit ses dernières années. Le visage est esquissé par des touches de couleurs audacieusement juxtaposées et se détache sur un fond de toile blanche : il s'agit d'une pratique courante de Monet qui travaillait le fond une fois que la peinture allait être exposée ou vendue.
C’est sans doute Clémenceau qui évoque le mieux cet autoportrait : « L’intérêt historique de cette toile, c’est qu’elle nous montre dans un ouragan de passion heureuse, l’homme de l’achèvement rêvé. Tout l’éclat du labeur triomphant s’inscrit en ce visage, convulsé dans l’éblouissement de la vision intérieure d’où semble enfin bannie la terreur d’un succès qui ne serait pas à la mesure de ce qu’il a voulu. Et la destinée a permis que cet éclat triomphal du plus beau jour nous fût transmis dans la plus haute exaltation de lumières où rayonnât jamais le pinceau de Monet. »
Eugène CARRIÈRE (1849-1906)
Portrait de l’artiste, vers 1890-1895
Huile sur toile
Paris, musée d’Orsay
Eugène Carrière était considéré, à la fin du XIXe siècle, comme un artiste aussi important que Rodin ou Monet. Il débute dans une veine naturaliste marquée par une recherche d'intimisme et un dépouillement formel, qui aboutit à une peinture de plus en plus allusive, centrée sur la figure humaine. Il eut une vie publique très active, forma les principaux peintres fauves et influença le jeune Picasso ainsi que les futuristes italiens.
On connaît de lui vingt-et-un autoportraits, réalisés tout au long de sa vie. Ici, vers 1890-1895, il se montre vêtu d’une longue blouse d’artiste, en pied dans son atelier, devant un chevalet avec une toile en cours d’exécution. Il semble interrompu dans son élan par l’arrivée d’un visiteur. Le petit format de la toile et la modestie de la scène donnent à cet autoportrait un caractère humble, monumentalisé toutefois par la vue en contre-plongée.
Ce tableau est représentatif de la manière de Carrière, qui utilise dès les années 1880 un camaïeu de bruns évoquant la facture des esquisses. Cette peinture presque monochrome et l'effet de flou sont très novateurs à cette époque et donnent une dimension immatérielle à l’image, qui semble sortir d’un rêve ou d’une vision. C'est par ce choix pictural que Carrière est associé au symbolisme.
Eugène CARRIÈRE (1849-1906)
Portrait de l’artiste, vers 1895-1898
Huile sur toile
Paris, musée d’Orsay
Resté dans l'atelier de l’artiste, puis dans sa famille jusqu’en 1984, l’autoportrait de 1895-1898 présente un caractère très intime. Carrière s'y montre en buste, sans accessoires. Comme dans le troisième autoportrait présenté dans l'exposition, la référence à Rembrandt est forte, par le choix de tons bruns et le recours au clair-obscur.
Ce visage d'artiste fait également penser à une « tête d’expression ». Courant dans l'art depuis le XVIIe siècle, ce type de représentation avait pour objectif de donner l'image d'une « passion », c'est-à -dire d'un caractère ou d'une émotion comme la contemplation, la satisfaction, la colère, la douleur, le sourire, etc.
On retrouve ici encore le choix de la monochromie qui traduit sans doute une valeur onirique de l’image, le phénomène de la perception visuelle ou l’angoisse de la disparition des êtres chers, d’autant qu’il adopte ces couleurs au moment du deuil de son premier fils.
Eugène CARRIÈRE (1849-1906)
Portrait de l’artiste, 1903
Huile sur toile
Paris, musée d’Orsay
Dans l’autoportrait de 1903, seul le visage de Carrière émerge, dans un camaïeu de bruns-roux, typique de la manière de l'artiste qui aime jouer sur des apparitions immatérielles. Il ne s’agit pas ici d’une oeuvre intime conservée dans l’atelier ou d’un exercice de peintre mais d’un cadeau à sa sœur. Carrière souhaite sans doute laisser un souvenir positif alors que la maladie le ronge.
La touche est donc très libre, tourbillonnante autour du visage, le camaïeu est plus clair, dans des tonalités rousses plutôt que brunes, un accent de lumière mettant en exergue le front, lieu de la pensée, chez un artiste qu’Edmond de Goncourt jugeait « spirituel en diable ».
Odilon REDON (1840-1916)
Mon portrait, 1867
Huile sur bois
Paris, musée d'Orsay
Odilon Redon est un des chantres du mouvement symboliste. L’autoportrait de 1867 est le premier des quatorze connus, dont seulement six sont exécutés à l’huile. Âgé de vingt-sept ans, Redon, vêtu d’un costume bourgeois, se figure en buste sur un fond neutre à la gamme chromatique réduite. Son visage à demi masqué par la pénombre et son regard défiant le spectateur lui donnent un air mystérieux. Rien ne laisse deviner son métier : ni pinceau, ni palette, ni chevalet. Bien qu’Odilon Redon ait choisi une composition quelque peu classique pour ce portrait en se représentant de trois-quarts, la bande horizontale qui clôt la composition par le bas souligne le caractère énigmatique du modèle et crée, par un cadrage serré, une distance avec le spectateur.
Odilon REDON (1840-1916)
Portrait de l’artiste, non daté
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
Près de vingt ans plus tard, l’autoportrait de 1885 est celui de la maturité. Si on retrouve l’économie de moyens et la palette sombre, Odilon Redon s’affirme désormais de face, en tant que peintre, vêtu d’une blouse et d’un béret d’artiste. Sa carrière artistique a pris un nouvel élan. Les amateurs de ses fameux Noirs se font plus nombreux et il vend davantage, notamment des estampes. Introduit dans les milieux symbolistes, il expose plus fréquemment en France ainsi qu’à l’étranger.
Cet autoportrait où domine le clair-obscur peut également être considéré comme un hommage à Rembrandt qui tient une place importante dans le panthéon artistique de Redon, à l’égal de Léonard de Vinci.
Le tableau est entré dans les collections du musée d’Orsay grâce à la générosité de Mme Arï Redon qui, en exécution des volontés de son mari, fils de l’artiste, légua le fonds d’atelier du peintre et 80 peintures, 11 pastels et plus de 440 dessins au musée national.
Paul GAUGUIN (1848–1903)
Portrait de l'artiste, vers 1893–1894
Huile sur toile double face
Paris, musée d'Orsay
En quête d'un Eden mythique, Gauguin se rend à Tahiti de 1891 à 1893. À son retour en France, il s'installe à Paris, se consacrant, sans grand succès, à la promotion des œuvres réalisées en Polynésie. Il ne peint que quelques tableaux, dont cet autoportrait, l’un des plus marquants, exécuté à un tournant important de sa carrière artistique.
Il se représente dans son atelier, rue Vercingétorix dans le 14e arrondissement, et semble défier le spectateur du regard. Son air farouche est accentué par la touche hachée et les éclats de couleur pure qui structurent le modelé de son visage. À l’arrière-plan, l'artiste met en scène un paréo tahitien et l'une de ses œuvres majeures, Manao Tupapau (L'esprit des morts veille) peinte à Tahiti en 1892. Celle-ci est représentée à l'envers, trahissant l'usage d'un miroir.
Gauguin a déjà adopté ce dispositif de l’autoportrait devant une œuvre importante de sa création, notamment dans l'Autoportrait au Christ jaune. Manifeste artistique, cette toile est également un gage d’amitié : Gauguin l’offrit à son voisin, musicien wagnérien, William Molard, dont le portrait figure au dos.
Emile BERNARD (1868-1941)
Autoportrait symbolique, 1891
Huile sur toile
Paris, musée d’Orsay
Emile Bernard peint cette toile à un moment important de son existence. Le titre qu’il lui donne, Mon portrait avec allégorie sur le siècle, évite toute interprétation personnelle mais le regard scrutateur du peintre invite à une lecture beaucoup plus intime du tableau. En effet, Bernard est alors méprisé des disciples de Gauguin et d’une partie de la critique après la rupture avec son ami. D’autre part, en proie aux doutes, il subit les affres de l’antagonisme entre sa sensualité et son ascétisme, comme en témoigne l’arrière-plan de son autoportrait : se dessinent une foule de nus féminins et un couple enlacé, surplombés par un Christ réprobateur. Cette vision semble annoncer la révélation qu’il aura à Grenade en 1896 sur sa vocation d’artiste à perpétuer la tradition classique.
En puisant dans l'imaginaire symboliste et en faisant cohabiter différents registres narratifs, Bernard livre avec son Autoportrait symbolique une œuvre charnière. Il ouvre la voie à une certaine modernité expressive, notamment Edvard Munch, mais également aux audaces picturales d'un André Derain ou du Pablo Picasso des années 1905-1908.
Paul Sérusier (1864-1927)
Nature morte, l’atelier de l’artiste, 1891
Huile sur toile
Paris, musée d’Orsay
Elève de l’Académie Julian en 1885, Paul Sérusier est prédestiné à une brillante carrière académique que la rencontre avec Paul Gauguin et Emile Bernard en 1888 à Pont-Aven vient remettre en cause.
Tout a été dit sur le Talisman, ce tableau en 1888 peint sur les conseils de Gauguin qui provoque une déflagration chez certains artistes de l’Académie Julian qui choisissent alors de se regrouper sous le nom des Nabis. Entre deux séjours passés à Pont-Aven, au Pouldu puis au Huelgoat, Sérusier choisit en 1890 un atelier parisien rue d’Hauteville, baigné de lumière et donnant sur les toits de Paris.
Le Nabi à la barbe rutilante semble avoir peu de temps à consacrer à son art dans son atelier : « Il me semble que je n’ai pas encore pu travailler deux heures tranquilles dans mon atelier », déclare-t-il.
Lorsqu’il le représente en 1891, c’est pourtant moins le lieu qui l’intéresse que l’écrin qu’il constitue pour sa nature morte, genre convenant parfaitement à son étude des couleurs et lui permettant d’oser différentes juxtapositions chromatiques au fort pouvoir émotionnel.
Le rouge vibrionnant de la nappe posé en aplat, qui fait écho au vermillon de la table du tableau Nature Morte, fête à Gloanec de Gauguin, structure l’ensemble de la composition. Le couteau bleu cobalt guide le regard vers la fenêtre de l’atelier qui donne sur les toits de Paris aux couleurs éclatantes. Il rappelle également le couteau placé dans une position très similaire dans la Nature morte à l’éventail de Gauguin. Pour explorer la notion de profondeur, Sérusier scande son tableau en brisant les obliques de la nappe, des toits et des étoffes par la verticale très forte de la chaise noire au premier plan, renforcée par celle de la fenêtre et des cheminées au loin. L’atelier est donc le cadre des expérimentations de Sérusier sur la synthèse entre lignes et couleurs. C’est aussi le creuset des influences à partir desquelles il bâtit son propre cheminement artistique. Paul Gauguin donc, mais également Cézanne qui a donné à la nature morte un statut incontournable pour de nouvelles recherches sur l’espace, la géométrie des volumes, le rapport entre couleurs et formes.
Daniel de MONFREID (1856-1929)
Homme à la chemise bleue, 1901
Huile sur carton
Paris, musée d'Orsay
La vie de George-Daniel de Monfreid débute sous des auspices rocambolesques. Fils naturel d’un milliardaire américain, il doit son patronyme aux largesses du consulat américain qui lui attribue un faux-passeport effaçant une généalogie quelque peu compromettante.
Son « oncle d’Amérique » lui permet de mener une vie aisée, à l’abri du besoin et n’encourage sans doute pas une production artistique prolixe.
Sa rencontre avec Gauguin en 1887, de retour de la Martinique, chez Schuffenecker est déterminante. Il devient son « confident », un soutien autant moral que financier. Véritable thuriféraire du « maître » de Pont-Aven, il doit sans doute à son dévouement son absence de reconnaissance dans l’histoire de l’art, une « œuvre sacrifiée et volontairement sacrifiée » pour reprendre les termes de Maurice Denis.
Bien qu’il expose en 1889 à l’exposition de peintures du Groupe impressionniste et synthétiste au Café Volpini en marge de l’Exposition universelle, Monfreid ne suit pas les pas artistiques de Gauguin et ne joue pas un rôle prépondérant dans la modernité picturale, malgré la qualité indéniable de sa peinture. Fort de sa formation à l’Académie Julian puis à l’Académie Colarossi, il fait des incursions dans de nombreux styles qu’il réinterprète sans fracas, d’une manière très pondérée, ce qui fait peut-être son originalité.
Portrait en buste, pose convenue, regard fixe, presque magnétique, l’Autoportrait à la chemise bleue reprend les caractéristiques que Monfreid distille dans l’ensemble de ses autoportraits. Loin de la chaleur presque intime qui se dégage de ses scènes d’intérieurs, l’autoportrait donne l’image sans concession d’un homme sombre au visage émacié et barbu qui a bien vieilli depuis l’Autoportrait en veste blanche de 1889.
Le style de Monfreid est surtout prégnant dans le subtil jeu sur la lumière : la chemise blanche du peintre aux plis bien modelés par des ombres bleutées est rehaussée par la lavallière également bleue, au point que c’est cette couleur qui est retenu pour le titre de l’œuvre. La figure de l’artiste se détache d’un arrière-plan plus sombre traité en hachures vives. L’attention portée par Monfreid aux détails du décor témoigne sans doute de l’influence des Nabis. Le regard est également attiré vers le tableau accroché derrière l’artiste, comme une fenêtre vers un cocon familial, dans la mesure où il représente la propriété familiale de Corneilla-de-Conflent acquise par la mère de George-Daniel en 1863, et où il mourra en 1929.
Pierre BONNARD (1867-1947)
Le Boxeur (portrait de l’artiste), 1931
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
« Peintre de l’Arcadie », Pierre Bonnard, celui qui aime « faire jaillir l’imprévu », est également l’auteur de plusieurs autoportraits sans concession exécutés à tous les âges de la vie. Le Boxeur inaugure une suite de toiles réalisées par Bonnard face au miroir de la salle de bain, décor prédominant de sa peinture des dernières années.
Image tout à la fois pathétique et bouleversante, cette oeuvre, peinte exclusivement à partir de nuances de jaune, touche à l’intimité d’un artiste qui subit les affres de l’âge. Il se représente tel un vieillard fragile, torse et crâne nus, le visage congestionnée et déformé, lucide et détaché face au temps qui passe et à la vanité de l’existence.
Dans aucun de ses autoportraits, Bonnard ne laisse deviner quelque satisfaction de soi. D’une humilité inquiète durant ses années nabies, le regard porté sur lui se charge d’un pessimisme accablant après 1930.
Bonnard a alors soixante-quatre ans et n’hésite pas à montrer son corps souffrant, jouant sur le titre de son œuvre : boxeur certes, mais boxeur chétif, bouche tombante, poings à peine serrés, livrant un combat sans merci et surtout impossible avec la peinture.
Cette œuvre a vu le jour à une époque où il eut à subir de nombreuses attaques sur sa manière de peindre, on lui reprochait de ne pas être de son temps et d’aller à rebours des tendances alors actuelles comme le surréalisme ou l’art abstrait.
Maurice DENIS (1870-1943)
Portrait de l’artiste à l’âge de 18 ans, 1889
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
Cet autoportrait de 1889 est le premier connu de Maurice Denis, qui en a réalisé une quinzaine. Il reflète les premiers pas d’artiste d’un jeune homme qui a finalement obtenu de ses parents l’autorisation de se consacrer à sa vocation. A son père qui jugeait qu’on « n’avait pas besoin de portraits, parce qu’il y avait des glaces », il répond par un autoportrait où le miroir renvoie l’image de l’artiste au travail.
Il est alors étudiant à l’École des beaux-arts depuis près d'un an, ainsi qu'à l’académie Julian, une école d'art privée où il rencontre Paul Sérusier. Mais le choc opéré par les recherches de Sérusier et notamment son œuvre Le Talisman n’est pas encore visible dans l’œuvre de Maurice Denis.
Utilisant un miroir, Denis se représente dans son atelier, installé dans une pièce du logement de ses parents à Saint-Germain-en-Laye dans les Yvelines. L'autoportrait est dominé par un jeu de blancs ; la composition, dépouillée et frontale, confère une intensité spirituelle à l'œuvre. Elle est contemporaine du Mystère catholique, une toile dans laquelle Denis jette les bases d'une nouvelle esthétique mêlant univers profane et sacré. Cette dimension spirituelle n'exclut pas une forme de « clin d'œil » de l'artiste envers le spectateur : Denis vient en effet de dater son autoportrait avec de la peinture verte, encore visible sur le bout de son pinceau. Le procédé met en évidence l’artifice du pacte entre le peintre et le spectateur, tout en suggérant un work in progress…
Maurice DENIS (1870-1943)
Portrait de l’artiste, 1921
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
Le portrait de l’artiste en 1928 nous montre un artiste reconnu, au faîte de sa gloire.
Figure des avant-gardes symbolistes des années 1890, Denis a ensuite défini un nouveau classicisme et s’est affirmé comme l’un des grands décorateurs de son temps. Il est donc un artiste confirmé, décoré de la Légion d’Honneur, visible à la boutonnière de la veste.
Cet autoportrait répond au précédent, près de trente ans plus tard. Denis adopte le même cadrage serré, entre intérieur et extérieur. Il se trouve ici dans le Prieuré, ancien hôpital du XVIIe siècle à Saint-Germain-en-Laye, où il s'est installé en 1915 avec sa famille. Il semble scruter ses traits, ayant perdu la candeur du précédent autoportrait. L'ambiance colorée du tableau est plus sombre et les arbres à l’arrière-plan sont dénudés, symbolisant l'âge plus avancé de l'artiste.
Félix VALLOTTON (1865–1925)
Autoportrait, 1897
1887
Huile sur carton
Paris, musée d'Orsay
Né à Lausanne, Félix Vallotton s’installe à Paris en 1882 et entre à l’Académie Julian. Si les historiens de l’art reconnaissent aujourd’hui la diversité de son art et l’importance de ses œuvres du début du XXe siècle, longtemps seule son accointance avec les Nabis a été retenue. Vallotton doit son surnom de « Nabi étranger » à sa nationalité suisse mais également à la particularité de sa peinture qu’il n’a jamais voulu soumettre à aucun diktat théorique.
Dans son Autoportrait de 1897, on ressent plus l’influence d’Holbein dont il vient de découvrir les œuvres conservées à Bâle que celle des Nabis.
La première partie de sa carrière est consacrée au portrait, genre qui répond parfaitement à ses recherches sur la représentation de l’intériorité et de la personnalité du modèle à l’ère de l’émergence de la photographie.
On aurait pu attendre d’un peintre, si préoccupé par la transcription du moi dans la peinture, un grand nombre d’autoportraits mais l’Autoportrait à l’âge de vingt ans en 1885 ouvre la voie des huit seuls autoportraits qu’il a pu peindre entre vingt et cinquante-huit ans.
Dans cet autoportrait de trois-quarts dû sans doute à la position impliquée par la place du miroir et du chevalet, Vallotton s’applique la même « acuité intransigeante » que dans les portraits d’autres modèles. Les traits sont soigneusement modelés, la lumière subtilement utilisée pour créer des ombres habilement restituées. Maîtrisant parfaitement la technique, il brosse un arrière-plan neutre et épuré ; s’y détache la figure du peintre rendue par une palette chromatique restreinte où prévaut le bleu marine de son pull. La sobriété voire l’austérité dominent, tout comme la précision chirurgicale du pinceau sans velléité d’idéalisation de la réalité. Quelques signes témoignent toutefois d’un écart avec sa traditionnelle « distance glaciale ». Contrairement aux précédents autoportraits, il n’arbore ni faux-col ni de cravate et son regard franc et direct ainsi que son menton relevé qu’accentue le jeu d’ombres et de lumières traduisent un artiste confiant en son avenir, loin du jeune homme de vingt ans timide et peu sûr de lui : sa rencontre avec les Nabis, ses premières contributions à La Revue blanche, le succès de ses gravures, la rencontre avec Gabrielle Rodrigues-Henriques qui deviendra sa femme en 1899, et la perspective d’une vie plus aisée après des années de misère, ne sont pas étrangers à cet état psychologique.
Hélène Dufau (1869-1937)
Huile sur toile
Portrait de l’artiste, 1911
Paris, musée d’Orsay
Originaire d’une petite commune viticole de l’Entre-Deux-Mers, Clémentine-Hélène Dufau passe son enfance non loin des rives de la Garonne au sein du domaine familial du château de Clauzel. Ses prédispositions précoces pour le dessin convainquent ses parents de procéder à la vente du domaine de Quinsac pour s’installer en 1888 à Paris et favoriser ainsi l’épanouissement artistique de leur fille. Son nom figure dès 1889 sur les registres de l’académie Julian où elle suit les cours de William Bouguereau et Tony Robert-Fleury. Plusieurs fois primé, son art séduit les amateurs qui reconnaissent dans ses sujets volontiers voluptueux, traités au moyen d’une touche frémissante, l’influence bénéfique du Corrège. Fort de ses succès, Clémentine-Hélène Dufau connaît une activité créatrice qui culmine dans la première décennie du XXe siècle avec les décors conçus pour la Villa Arnaga d’Edmond Rostand à Cambo-Les-Bains en 1906 ou encore les quatre panneaux évoquant les sciences livrés pour la Sorbonne en 1908-1910.
Cet autoportrait en pied, daté de 1911 et au format imposant, prend ainsi valeur de manifeste d’une réussite qui semble éclatante. A rebours des compositions sensuelles et vaporeuses qui ont tant contribué à sa renommée, cette toile illustre un autre versant du talent de l’artiste. Ici, le traitement affirme avec force une orientation stylistique où priment un dessin plus appuyé et une certaine stylisation. Dominant un fond où s’impose la géométrie stricte et monochrome de la porte-fenêtre et de la plinthe, contrebalancée par la présence d’une sanguine à laquelle répond le plantureux bouquet de pivoines, l’artiste fixe hardiment le spectateur. La maîtrise de son image n’en est que plus éloquente et consacre le statut de femme moderne qu’elle affiche résolument dans ce tableau. Ainsi, le port d’une robe du soir qui souligne sa silhouette longiligne rompt définitivement avec les canons de la mode féminine qui prévalaient jusqu’alors. Par sa coupe et ses broderies, cette robe dont l’inspiration orientale est manifeste, renvoie à une actualité artistique bien connue, celle des Ballets russes et de leur célèbre chorégraphie créée en 1910, Shéhérazade. En 1911, Clémentine-Hélène Dufau, alors âgée de 42 ans, au sommet de sa gloire et en pleine possession de ses moyens, s’affiche comme le modèle iconique d’une nouvelle génération de femmes, actrices de leur propre destin.
Alexis AXILETTE (1860-1931)
Portrait de l’artiste, 1907
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
Alexis Axilette, un fauve oublié ? Cet autoportrait aux couleurs explosives pourrait laisser penser que l’artiste est à placer parmi les épigones des « fauves », révélés au Salon d’automne de 1905, deux avant la date de cette œuvre. Si l’histoire de l’art n’a pas retenu Axilette dans cette mouvance, c’est que ce portrait dénote fortement dans sa carrière artistique. Né à Durtal, près d’Angers où il conserve toute sa vie une propriété, il entre à l’Ecole des Beaux-arts de Paris en 1881, sous l’égide de Gérôme.
Il obtient le Grand Prix de Rome en 1885 et devient pensionnaire de l’Académie de France à Rome. Axilette est surtout réputé pour avoir réalisé entre 1889 et 1900 quelque deux cents portraits. Loin de la facture du Portrait de l’artiste de 1907, ces portraits classiques s’attachent à dévoiler des personnalités littéraires et artistiques de l’époque, comme le compositeur Fernand Corot ou encore Maurice Barrès qu’il fréquenta durant son séjour à Rome.
Le Portrait de l’artiste de 1907 apparaît donc comme une détonation dans une carrière dominée par l’académisme et la mondanité. C’est dans les biographies de deux autres artistes qu’une esquisse de réponse peut être trouvée à cette parenthèse fauve dans le parcours d’Axilette. En effet, successivement, Raoul Dufy, Georges Braque et Othon Friesz séjournent en 1906 dans la propriété de Durtal.
Durant cet intermède campagnard, Dufy réalise plusieurs portraits de la famille Axilette dans une veine fauve. L’artiste angevin a également été subjugué par les recherches esthétiques de Braque.
Dans son autoportrait, il tente donc une incursion vers cette modernité picturale. S’emparant du jeu sur les « couleurs crues, cruelles, criardes » des artistes fauves, Axilette déploie une palette chromatique où l’intensité de l’orangé de l’arrière-plan se dispute à celle du vert de la veste et du bleu du chapeau. Il insiste sur le rapport disharmonieux et violemment contrastés des tons complémentaires traités en aplats et en recouvrements. Les rehauts de rouge sur l’arcade sourcilière et les pupilles mettent l’accent sur le regard fixe voire méphistophélique de l’artiste qui semble défier le spectateur.
Alexis Axilette ne s’essaie au fauvisme que durant cette année 1907, avant de s’adonner presque exclusivement à l’art du pastel.
Henri MARTIN (1860-1943)
Portrait de l’artiste, vers 1912
Huile sur toile
Paris, musée d’Orsay, en dépôt à Cahors, musée Henri Martin
Formé à l'École des beaux-arts de Toulouse, puis dans l'atelier parisien de Jean-Paul Laurens, Henri Martin fait un voyage en Italie en 1885, qui le marque fortement. Il découvre les peintures des Macchiaioli, équivalents italiens des impressionnistes français et rencontre Giovanni Segantini, peintre majeur de l'époque, que l'on peut situer entre symbolisme, post-impressionnisme et primitivisme.
La touche vermiculée et vibrante de Segantini l'influence, de même que le pointillisme mis au point par Georges Seurat dans les années 1880. Dans les années 1890, Martin allie cette facture à une inspiration symboliste.
Il se portraiture ici dans sa maison de Labastide-du-Vert dans le Lot, à contre-jour. La touche vibrante, caractéristique du peintre, fait toute la qualité de l'œuvre. Les modulations de couleurs froides sont finement travaillées : le vert se répand depuis l’encadrement de la fenêtre jusqu’à la barbe du peintre, les bleus tirent vers le mauve dans le paysage. Le tableau est mis en valeur par un cadre cintré, format qu’affectionnait l’artiste. Notons enfin que les deux bords inférieurs du cadre sont décorés de feuilles de laurier, plante qu’Henri Martin fait figurer dans nombre de ses compositions.
Emile BERNARD (1868-1941)
Portrait de l’artiste au turban jaune, 1894
Huile sur toile
Quimper, musée des beaux-arts
« Mon portrait en arabe », tel est le titre qu’Emile Bernard attribue à cette œuvre acquise par le musée de Quimper en 1975. Connue sous le nom d’Autoportrait au turban jaune, elle représente pourtant un double portrait : l’artiste et sa femme égyptienne Hanenah Saati, âgée d’une quinzaine d’années, qui s’incline humblement vers lui. Bernard, arrivé en Egypte fin 1893, épouse une jeune fille pauvre de la communauté syriaque orthodoxe le 1er juillet 1894. Il adopte rapidement le mode de vie local et arbore le costume arabe et le turban. Il n’a rien perdu de ses talents synthétistes comme en atteste sa palette douce et harmonieuse aux contrastes subtils. Pas de mascarade exotique dans cet autoportrait mais bien une réelle quête d’identité.
Charles COTTET (1863-925)
Autoportrait, non daté
Huile sur toile
Quimper, musée des beaux-arts
Charles Cottet a exécuté peu d’autoportraits. Celui conservé au musée des beaux-arts de Quimper représente l’artiste en pleine maturité. En arrière-plan, on retrouve un tableau de Cottet représentant grandeur nature, trois têtes de femmes de Douarnenez. Sur le bureau, deux souvenirs ramenés d’Egypte, un scarabée et un ouchebti, qui rappellent le séjour égyptien de l’artiste en 1894-1895. D’une façon assez insolite, Cottet ne se représente pas avec les attributs du peintre mais pose comme écrivain. Or les seuls témoignages connus des talents d’écriture de Charles Cottet sont une trentaine de lettres très courtes, le plus souvent de simples témoignages de politesse.
Salle ludique avec jeux et manipulations à partir de 4 ans.
Comment les peintres du 19e siècle se sont-ils représentés en peinture ? Les enfants décryptent l’art de l’autoportrait. Ils apprennent à dessiner les émotions du visage, retrouvent qui est chaque artiste sous forme de « Qui est-ce ? », et se prennent au jeu du dessin de son reflet : miroir, mon beau miroir !
Du 17 Juin au 2 Octobre
Visite ludique « Un si joli minois »
Tarif 3.20 € ou 2 tickets Atout-sport
Réservation au 02 98 95 45 20
Limité à 8 enfants
Les vendredis du 15 juillet au 26 août à 14h et 15h
Atelier d'art plastique « La touche Van Gogh ».
Tarif : 3.20 € ou 2 tickets Atout-sport
Inscription au 02 98 95 45 20
Limité à 12 enfants
Les mardis et jeudis du 12 juillet au 25 août à 14h
En vente à la boutique.
Tarif : 8€/5€, limité à 35 personnes - pas de réservation.
Dimanche 19 et 26 Juin à 15h
Tous les jours du 6 Juillet au 11 Septembre à 16h15 (sauf 6 Septembre)
Tarif : 8€/5€, limité à 35 personnes - pas de réservation.
Samedi 2 Juillet à 15h
Dimanche 25 Septembre et 2 Octobre à 14h et 16h
Gratuit.
17 et 18 Septembre à 10h et 11h
Catalogue de l’exposition Autoportraits. Chefs-d’oeuvre de la collection du musée d’Orsay, éditions Musée d’Orsay-Flammarion, en vente à la boutique.
Plein tarif : 6 €
Tarif réduit : 4 € pour les 12-26 ans
Gratuit : moins de 12 ans, demandeurs d’emploi, étudiants en art.
Pass’Quimper : 12 € (Pour un forfait valable de 1 à 2 personnes, pour une année, la ville se découvre à tarif réduit en sélectionnant jusqu’à quatre visites parmi le musée des beaux-arts, le musée départemental breton, le Quartier/centre d’art contemporain, le musée de la faïence, les faïenceries HB Henriot et une visite découverte du patrimoine quimpérois)
Juin et Septembre : tous les jours sauf Mardi de 9h30 à 12h et de 14h à 18h
Juillet et Août : tous les jours de 10h à 18h.
40, place Saint-Corentin
F- 29000 QUIMPER
Tél.+33 (0)2 98 95 45 20
musee@quimper.bzh
Toute l’actualité du musée sur : www.mbaq.fr
Page facebook : musée des beaux-arts de Quimper officiel
Compte twitter : @mbaqofficiel
Exposition organisée avec le soutien exceptionnel du musée d’Orsay
Textes rédigés à partir du catalogue de l’exposition et des textes des musées de Nancy et de Clermont-Ferrand
©RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / cliché Hervé Lewandowski pour les autoportraits de Axilette, Bernard, Courbet, Dufau, Gauguin, Meissonier, Pissaro, Redon, Vallotton ; cliché Michèle Bellot pour Bonnard et Cézanne ; cliché Gérard Blot pour Van Gogh ; cliché Patrice Schmidt pour Sérusier ; cliché René-Gabriel Ojeda pour Martin et cliché Jean-Gilles Berizzi pour Monet.
©ADAGP, Paris 2016 pour Bonnard,
©Quimper, musée des beaux-arts pour les autoportraits du musée.